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L’hybernation humaine est à l’hibernation animale ce que celle-ci est à l’état de veille permanent. Dans la réduction qu’elle opère de tous les processus vitaux, l’hybernation confine à la stase absolue. Elle se rapproche plus de la mort que de la vie.

Dictionnaire des Sciences

155e édition.

 

Le Directeur, Raja Flatterie, se réveilla, une fois de plus, avec un hurlement dans la gorge. Ce soir, le cauchemar avait été typique. Une masse tentaculeuse lui avait enserré la tête, qu’elle avait arrachée à ses épaules. Elle avait ensuite entrepris de le démembrer tout en soulevant la tête dans ses appendices tentaculaires gluants pour qu’elle ne perde rien du spectacle. Puis les tentacules étaient devenus des doigts, ceux d’une femme, et quand ils avaient commencé à arracher la chair des os de son corps, le seul bruit avait été celui d’une allumette que l’on enflamme dans une cage d’escalier. Il s’était réveillé en essayant de rassembler sa chair autour de ses os.

Des cauchemars comme celui-ci l’avaient tourmenté durant les vingt-cinq années qui avaient suivi la dure épreuve de l’hybernation. Il ne voulait pas l’admettre au début, mais il était indéniable qu’ils s’étaient aggravés depuis l’incident avec sa compagne neftile, Alyssa Marsh. Il y en avait un autre, par exemple, où il avait l’atroce sensation physique, dans chacun de ses muscles, nuit après nuit, que quelque chose faisait éclater ses fibres et ses vaisseaux sanguins. Et sa formation antérieure de Psychiatre-aumônier sur Lunabase ne lui était pas d’un grand secours en l’occurrence. Le médecin avait renoncé à se guérir lui-même.

Autant se faire une raison, se disait-il. Ça ne risque pas de passer comme ça.

Même après ces heures d’épouvante, le reflet de son visage dans le petit miroir de l’alcôve laissait suinter le dédain. Et ses sourcils noirs inclinés penchaient encore plus dans ces moments-là, accentuant l’impression de dédain. Il se disait que c’était un air qui lui allait bien et qu’il lui faudrait se souvenir de s’en servir à l’occasion.

De quelle couleur étaient ses yeux ?

Il était incapable de s’en souvenir. Bruns, peut-être. Tout ce qui se rapportait à Alyssa Marsh devenait aussi indistinct qu’une coupure de journal jaunie par le soleil. Mais il avait pensé qu’elle perdrait de son importance en même temps.

Tandis que les yeux bruns de Flatterie contemplaient ainsi leur propre reflet, son attention fut attirée par de petits éclats de lumière colorée qui provenaient, à travers le plaz, d’une masse de varech située à quelque distance de sa cabine. Le gisement était bien plus évolué qu’il ne l’avait soupçonné. Certaines études anciennes avançaient l’hypothèse que le varech communiquait au moyen de ces lumières.

Communiquer, mais avec qui ?

Il avait donné l’ordre que tous les gisements de varech reliés au Contrôle des Courants soient élagués dès que les lumières apparaissaient. C’était une simple mesure de précaution.

C’est toujours après ces lumières que les ennuis commencent.

Il était pourtant certain que ce gisement avait été élagué, sur son ordre, à peine une semaine auparavant. Aussi bien Marsh que Macintosh avaient tellement insisté à propos de ce varech que Flatterie avait cessé de les écouter. La seule chose qu’ils avaient dite dernièrement et qui lui avait fait dresser l’oreille était une remarque sur le récent taux de croissance du varech, qu’ils avaient qualifié d’explosif. Ils lui avaient montré les fonctions exponentielles que traduisaient leurs graphiques, mais Flatterie n’avait pas bien évalué le danger jusqu’à maintenant. Il transmit rapidement un mémo pour que le varech soit élagué dans la journée.

Derrière la masse de varech brillaient les lumières plus étendues de Kalaloch, où des banlieusards aux yeux rougis de fatigue faisaient déjà la queue pour prendre le transbordeur du Projet et où la File se mettait en mouvement au centre de la ville. S’il s’était trouvé à l’extérieur, il aurait pu entendre le vacarme impitoyable du chantier voisin ou les sourdes explosions occasionnelles des machines à souder.

Crista Galli, songea-t-il, et il regarda sa montre. Une heure à peine s’était écoulée depuis qu’il s’était endormi. Où qu’elle soit, avec ce Ben Ozette, ils n’oseraient rien faire tant que le couvre-feu ne serait pas levé. C’était en ce moment que ce serait le plus facile pour eux, à l’heure où les chemins commençaient à se remplir de monde pour la journée et où ils passeraient inaperçus, anonymes au milieu de la foule.

Un flot régulier de souillards arrivait chaque jour à Kalaloch. Il faudrait qu’il donne l’ordre à la presse de ne plus les appeler « réfugiés » afin qu’il puisse s’occuper d’eux plus énergiquement. Maintenant que l’holovision était passée sous son contrôle, il pouvait mieux concentrer ses efforts sur l’élimination de cette station pirate qui se donnait le nom de « Voix de l’Ombre ». Il avait la conviction intime que Ben Ozette était la pointe de cette épine irritante qu’il allait se faire un plaisir d’extirper.

À travers la baie de plaz, le Directeur apercevait le faible éclat d’une série de feux provenant de l’un des camps souillards, un peu plus bas sur la côte. Le rapport final du Comité des Réfugiés devait arriver ce matin. Il s’appuierait sur son contenu, quel qu’il fût, pour faire transférer le camp en dehors des limites de la colonie. De préférence à plusieurs kilomètres.

S’ils veulent qu’on les protège, ils n’ont qu’à payer pour ça.

La présence de ces souillards, qui constituaient un réservoir potentiel de main-d’œuvre, maintenait sur le qui-vive les ouvriers des ateliers et les équipes d’excavation du chantier. Les souillards attiraient les prédateurs, humains ou autres ; mais le véritable grief de Flatterie à leur encontre était leur nombre, qui ne cessait d’augmenter, et la manière dont ils encerclaient peu à peu la colonie.

Il tapa un mémo pour que le nom du Comité des Réfugiés soit changé en « Comité des Réserves ».

Raja Flatterie, bien avant d’être connu sous le nom de « Directeur », s’était toujours levé avant l’aube pour travailler. Des rumeurs qui étaient parvenues jusqu’à lui disaient qu’il était capable de rester plusieurs mois sans dormir, et il y avait des mois où il aurait presque cru lui-même que c’était vrai. Sa cabine privée ressemblait à un cockpit tant elle était bourrée d’électronique. Il aimait bien ce sentiment de tout contrôler, d’ajuster le monde à sa main comme un gant. Bien à l’abri devant sa console, un châle sur ses épaules nues, Flatterie pilotait les affaires du monde.

Il se réveillait, chaque nuit, en sueur, épouvanté, au bout de quelques heures de sommeil à peine. Il se rêvait à la fois bourreau et supplicié, recevant la mort de sa propre main, poussant des hurlements pour se supplier d’arrêter. Tout tournait autour d’Alyssa Marsh et de la manière dont il avait séparé son magnifique cerveau du reste de sa personne. C’était une manifestation subconsciente de faiblesse et de vulnérabilité qu’il ne pouvait pas se permettre de laisser remonter à la surface. Cela lui donnait, sous bien des aspects, un tempérament de reclus, de même que son aversion pour les grands espaces découverts, qui lui avait été instillée en profondeur à Lunabase.

Flatterie n’avait encore vraiment partagé sa couche avec aucune femme de Pandore. Il avait eu une brève aventure avec Alyssa, sur Lunabase, juste avant leur départ pour le vide spatial. Mais sa tentative pour reprendre leur liaison sur Pandore avait échoué. Elle avait préféré aller étudier le varech sur place plutôt que de coucher avec le Directeur. Et elle en avait payé les conséquences. Mais il semblait à présent que lui aussi devait les payer.

Avec les femmes de Pandore, il y avait eu des mêlées galantes sur les coussins, certes, et du sexe à tire-larigot, particulièrement au début. Mais chaque fois, dès que c’était fini, Flatterie avait renvoyé la fille dans la chambre d’ami et il avait dormi ce qu’il pouvait avant que les cauchemars s’emparent de lui.

Le pouvoir, c’est le plus grand des aphrodisiaques.

Il s’abstint de ricaner. C’était bien fait pour lui.

Il aurait pu profiter davantage, supposait-il, des privilèges que lui valait sa charge, mais le sexe ne le passionnait plus comme avant. Pas depuis qu’il fuyait le monde. Aussi misérable et étriqué que fût ce monde, c’était son monde et il le resterait jusqu’à ce qu’il le quitte.

— Six mois, murmura-t-il entre ses dents. Au bout de vingt-cinq ans, il ne me reste plus que six mois à tirer.

Près de trois mille humains avaient orbité autour de Pandore, dans leurs caissons d’hybernation, durant une demi-douzaine de siècles. De l’équipage original, seuls Flatterie et Nano Macintosh survivaient. Il y avait, bien sûr, les trois Noyaux psycho-organiques, mais on ne pouvait pas dire qu’ils fussent exactement humains. Ce n’étaient plus que des cerveaux joliment câblés. Un seul d’entre eux, celui d’Alyssa Marsh, avait reçu la formation de base des N.P.O. Les deux autres venaient d’enfants spécialement sélectionnés par Flatterie pour leur intelligence supérieure à la moyenne et leurs qualités précoces de stabilité émotionnelle.

Un monde plus petit que la Terre, mais tout de même plus grand que la Lune, avait-il pensé quand il avait été arraché à l’hybernation. Pandore est une petite planète tout à fait adéquate.

Mais elle n’avait pas tardé à se révéler plutôt inadéquate.

Le cheptel indigène qui l’avait précédé sur Pandore, et qui descendait de l’équipage original de la nef Terra et de ses bioexpérimentations, était d’une certaine manière humain. Mais Flatterie l’avait trouvé répugnant et avait décidé, très tôt, que si l’une des nefs spatiales avait pu découvrir Pandore, une autre pourrait très bien tomber sur quelque chose de mieux. Même si cela ne devait jamais arriver, la vie à bord de la nef, pensait-il, devait être infiniment plus confortable que celle-ci.

Ils peuvent tous crever dans ce trou infect, se disait-il. Et d’ailleurs, à l’odeur, on croirait que c’est déjà fait.

Le soir, par temps clair, Flatterie prenait plaisir à contempler la coque presque achevée de sa nef spatiale qui brillait au firmament. Il avait épinglé un magnifique joyau au ciel de Pandore et il en tirait une grande fierté.

Certains de ces Pandoriens ont à peine l’apparence d’une créature vivante, se disait-il, et encore moins humaine. Même leur patrimoine génétique a été contaminé par ce… varech.

Raison de plus pour quitter cette planète. Son séjour à Lunabase le lui avait suffisamment appris. L’espace est un milieu et non une barrière. Une nef spatiale est un foyer et non une prison. Malgré les énormes difficultés, ces Siréniens avaient réussi à construire des fusées, et leur base sous-marine de lancement avait été suffisamment évoluée pour arracher Flatterie et les caissons hybernatoires à leur orbite multicentenaire. S’ils étaient capables de faire cela, avait-il compris dès le début, il pourrait construire un jour un vaisseau spatial comparable au Terra. Et il avait finalement réussi.

Pour qui domine le monde, se dit-il, le prix n’a pas d’importance.

Son seul ennemi implacable était le temps. Et son seul collaborateur de confiance, côté sol, était le Pandorien Spider Nervi. Il ne reculait devant rien pour que les désirs de son Directeur, même les plus spéciaux et les plus délicats, soient exaucés. Flatterie avait cru, à un moment, que c’était Nano Macintosh, le commandant neftile de l’Orbiteur, qui était destiné à jouer ce rôle, mais ces temps derniers il avait eu des doutes. L’équipe qu’il envoyait là-haut aujourd’hui allait savoir bien assez tôt à quoi s’en tenir.

Le plus fascinant de tous, pour Flatterie, était Spider Nervi, mais il n’avait jamais vraiment pu l’amener à s’ouvrir entièrement à lui, bien que ce ne fût pas faute de lui en avoir fourni l’occasion.

Comment fait-on pour amadouer un tueur ?

La plupart des humains comme Flatterie étaient morts sur le coup quand on avait ouvert leur caisson hyber. Leur nef originale avait été équipée de manière à les ranimer correctement et sans danger. Mais le moment venu, la nef avait depuis longtemps disparu derrière l’horizon en laissant les indigènes pandoriens courir après les caissons libérés, plus fermement ancrés que jamais dans leur conviction que ladite Nef était Dieu.

Morts sur le coup !

Il renifla devant cet euphémisme qui lui était venu à l’esprit. Durant cet instant que les méditechs appelaient « sur le coup », lui et les autres neftiles avaient connu assez de souffrances dévastatrices pour durer mille vies. La plupart de ceux qui avaient survécu à l’ouverture de leur caisson, ceux qui n’avaient pas connu la moindre maladie au cours de leur séjour aseptisé à Lunabase, étaient morts dès les premiers mois qui avaient suivi leur contact avec les créatures de Pandore – microscopiques ou autres.

Parmi les « autres », Flatterie avait appris à respecter les capucins vifs aux formes félines, les platelles venimeuses, les gyronètes, les rapraps et, encore plus mortel que tout le reste aux yeux de Flatterie, cet océan qu’envahissait le varech appelé « Avata » par les indigènes. Le premier Psychiatre-aumônier qui avait eu affaire à lui avait eu le réflexe intelligent de le détruire totalement. Actuellement, l’élagage du varech absorbait la moitié des ressources de Flatterie. Mais il était hors de question, jusqu’à nouvel ordre, d’essayer de l’éliminer par la manière forte.

Après sa déshybernation, il avait passé la plus grande partie de sa convalescence à étudier l’histoire de Pandore et les horreurs que la planète lui gardait en réserve. Avec les autres neftiles, il était tombé au milieu de grands bouleversements géologiques et sociaux. La planète était déchirée et de nombreux conflits faisaient rage. Le moment était propice pour se faire passer pour un présent des dieux, et Flatterie avait sauté sur l’occasion.

Il s’était servi de son titre de Psychiatre-aumônier, qui lui conférait un grand poids aux yeux des Pandoriens, pour orchestrer la restructuration des mœurs et de l’économie de Pandore. Les Pandoriens l’avaient choisi parce qu’ils n’étaient jamais restés sans Psychiatre-aumônier et parce qu’il était, comme il le leur avait lui-même fait remarquer promptement, un présent de « la Nef qui est Dieu ». Il avait attendu le plus longtemps possible avant de leur annoncer son intention de construire une autre nef.

Flatterie s’était montré rusé et perceptif. Comme il avait noté, parmi les autorités religieuses, quelques murmures perturbateurs, il avait purement et simplement abandonné son titre au profit de celui de « Directeur ». Ce geste lui avait donné plus de liberté pour se consacrer à d’importantes réformes économiques et lui avait permis de ne pas avoir les adorateurs de Nef dans les jambes durant les années cruciales de formation.

— Je ne veux pas être votre dieu, leur avait-il dit. Je ne veux pas non plus être votre prophète auprès des dieux. Mais je vous guiderai dans vos efforts pour bâtir une vie meilleure.

Ils ignoraient ce que Flatterie savait de par sa formation spéciale de Psychiatre-aumônier. Les historiques de Pandore lui avaient ainsi révélé que son double clone, le Raja Flatterie n°5 de l’équipage d’origine, était la soupape de sécurité et le bourreau en titre de cette même Nef qui les avait tous amenés sur Pandore.

Il est formellement interdit de libérer dans l’univers une conscience artificielle. La directive était claire, bien qu’il fût généralement admis que les voyages dans l’espace ne pouvaient se passer d’une conscience artificielle. Les Noyaux psycho-organiques, les « cerveaux en boîte », comme les appelaient les techs, tombaient en panne avec une régularité frappante. Le Flatterie modèle 5 n’avait pas appuyé à temps sur le bouton de destruction. Et c’était cette Nef à qui il avait permis de survivre qui était devenue un dieu pour de nombreux Pandoriens.

Raja Flatterie, dit « la Thune ». Pourquoi ne nous a-t-il pas tous détruits comme prévu ?

Il se demandait, et ce n’était pas la première fois, si le dispositif logé dans son propre subconscient était toujours armé. C’était ce risque qui le faisait hésiter à mettre au point une conscience artificielle pour piloter sa nouvelle nef spatiale.

Il n’y avait plus que Flatterie, aujourd’hui, pour se demander encore pour quelle raison l’autre avait été le seul clone de l’équipage à être mis en hybernation.

Ils voulaient s’assurer que la conscience que nous allions créer serait promptement étouffée dans l’œuf avant d’aller se répandre dans l’univers.

Flatterie calculait que n’importe lequel de ses trois N.P.O. le conduirait sans problème jusqu’au système stellaire le plus proche. Là, il faudrait faire le point et suivre une trajectoire centripète jusqu’à un système habitable de premier choix. Les ajustements nécessaires dans la psychologie individuelle de chaque N.P.O. avaient été effectués avant le prélèvement de la matière organique en vue de son transfert sur le matériel. La théorie de Flatterie était qu’il valait mieux intervenir au niveau comportemental que chimique pour maintenir le sentiment de corporalité propre à empêcher le retour à la folie incontrôlable qui avait affecté toute la série des N.P.O. de Lunabase.

Flatterie se frotta les paupières et bâilla. Ces maudits cauchemars l’épuisaient. Il y avait aussi toutes les questions qui se bousculaient dans sa tête et qui l’étourdissaient, le brisaient, lui faisaient perdre le peu de sommeil qui lui restait et le laissaient pantelant, en sueur, prêt à hurler.

De toutes ces questions, celle qui le préoccupait le plus et qui le tourmentait en ce moment était :

Quel programme secret ont-ils implanté en moi ?

La formation de Flatterie en tant que Psychiatre-aumônier lui avait appris le goût malsain de Lunabase pour les jeux à multiples rouages, où l’enjeu était invariablement représenté par la vie humaine.

Le Jeu Total. C’était celui qu’il avait choisi de jouer, avec pour enjeu toutes les vies humaines. Les seuls humains de l’univers étaient les spécimens qui se trouvaient sur Pandore. De cela, Flatterie était entièrement convaincu. Il ferait de son mieux avec ce qu’il avait.

Il évitait tout contact avec le varech, de peur de lui donner des munitions si celui-ci était capable de sonder son cerveau. Et il en était capable à l’occasion. Il existait des témoignages formels dont Flatterie avait eu connaissance. Bien qu’il trouvât la chose tout à fait fascinante, il préférait s’abstenir de courir le risque.

Il n’avait jamais non plus touché Crista Galli à cause de sa relation avec le varech. Il éprouvait pour elle une sorte d’attirance trouble dont l’origine, il le savait en analysant ses fantasmes conscients, se situait dans le danger qu’elle représentait. Un danger qu’il avait créé lui-même. Les techs de son labo avaient modifié son métabolisme chimique conformément à la fiction que Flatterie faisait répandre sur elle. Sans l’antidote spécial de Flatterie, les gens qui la touchaient s’exposaient à de graves surprises neurologiques, et sans doute à la mort à plus ou moins brève échéance.

Si le varech me sondait et découvrait le déclencheur ? Je suis peut-être la gâchette, mais qui est le doigt ? Crista Galli ?

Il avait plus d’une fois désiré Crista Galli, parce qu’elle était belle, oui, mais pas seulement pour cela. C’était aussi à cause de son contact mortel, du risque ultime. Il redoutait qu’elle eût, comme le varech, le pouvoir de faire irruption en lui au moindre toucher.

Un rêve misérable de tentacules qui s’insinuaient dans son crâne en forçant ses sutures le harcelait. Il avait entendu dire que le varech pouvait entrer en résonance dans sa tête et remonter les filières de Î’A.D.N. jusqu’à la mémoire génétique. Une telle tentative activerait peut-être le programme qui résidait en lui et reviendrait à libérer la gâchette, ce qui les condamnerait tous. Avant de risquer un contact avec le varech, il fallait absolument qu’il identifie le mécanisme pour le désarmer.

Sa plus grande peur était que le varech ne se serve de lui pour le détruire en même temps que les misérables vestiges d’humanité qui peuplaient Pandore. La présente version de Raja Flatterie ne tenait aucunement à finir sa vie dans l’atmosphère sordide d’un monde de bas étage. Il préférait jouer au Directeur parmi les étoiles pour le restant de ses jours, qu’il voulait nombreux.

Dois-je être leur dieu, maintenant, ou leur diable ? se demandait-il. Mais ai-je vraiment le choix ?

Tout, dans sa formation, lui suggérait qu’il l’avait. Mais son instinct n’était pas du même avis.

— C’est le hasard qui m’a amené ici, murmura-t-il en s’adressant à son reflet dans le plaz de la cabine. Et c’est le hasard qui m’en fera repartir. Ou non.

Son regard se posa sur le grand écran de la console à côté de son lit. En haut de l’écran, clignotant en lettres d’ambre, se lisaient les mots : « crista galli ». Il appuya sur la touche « mise à jour » et vit se dérouler les mornes nouvelles. On ne l’avait pas encore retrouvée. Douze heures, à pied, et on ne l’avait pas retrouvée !

Il enfonça une autre touche et aboya à l’adresse de l’écran :

— Faites venir Zentz !

Il avait nommé Oddie Zentz à la tête de la sécurité depuis peu de temps cette année et il avait été content, très content jusqu’à cette semaine, de ses services. C’était une bavure de ses hommes qui avait permis à Ozette de faire franchir à Crista Galli la limite de la résidence.

Au milieu de la nuit dernière, Flatterie avait ordonné à Zentz de disséquer personnellement les deux gardes responsables de cette négligence. Il avait obéi avec une jubilation évidente. Mais rien n’était sorti de leur interrogatoire qui ne fût déjà dans le dossier. Rien qui eût une valeur quelconque pour orienter les recherches, en tout cas. Le fait que Zentz n’avait pas hésité à appliquer les électrodes et autres outils de sa profession sur deux de ses meilleurs hommes plaisait à Flatterie, certes, mais ne réparait pas les pots cassés.

Je donnerai l’ordre à Zentz d’en tuer encore deux si on ne l’a pas retrouvée avant midi. Cela devrait leur donner des ailes.

Il enfonça de nouveau la touche d’appel et ordonna :

— Faites venir également Spider Nervi. Dites-lui que je vais avoir recours à ses services.

Flatterie voulait que Ben Ozette souffre comme aucun humain n’avait encore jamais souffert, et Nervi veillerait à ce qu’il en fût ainsi.

Le Facteur ascension
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